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JULIEN II : TITULATURES ET TYPOLOGIE

En choisissant le monnayage de bronze de Julien pour le thème de

ROME XIX

, nous prenions un parti, celui de présenter une sélection

importante de pièces (196), mais avec un nombre de modèles réduit à

deux types monétaires : la double maiorina et la maiorina ou nummus.

Pouvions-nous intéresser les collectionneurs français de monnaies

romaines qui en général privilégient la typologie et ne font au mieux

qu’une pièce par type, au pire une pièce par empereur ?

Nous payons, encore aujourd’hui, l’incurie de nos prédécesseurs, qui

ayant le Cohen à leur disposition (deuxième édition publiée après la

mort de l’auteur entre 1880-1892 par un professionnel, en la personne

de la maison Feuardent) n’ont pas fait évoluer le marché et la manière

de collectionner. Le Cohen, toujours utile car une référence pour les

collectionneurs français qui se refusent à lire autre chose que la langue

de Molière, est construit sur un modèle, héritier des Humanistes de la

Renaissance, où les monnaies romaines s’inscrivent dans le cadre plus

large du cabinet de curiosités de l’évergète cultivé, souvent riche et

noble. La conception du Cohen, héritière de Mionnet est aussi bâtie

sur la pensée du XVIII

e

siècle. Cette pensée est restée figée et l’étude

sur les monnaies romaines n’a que peu évolué ensuite.

Finalement, quel est l’objectif proposé au collectionneur par ces auteurs ? Avant tout une logique de trombinoscope, un

portrait par empereur ou impératrice. Ensuite, une logique de revers historiques significatifs à réunir. Au final ? Très joli,

très cher dès que l’on avance sérieusement, et rien qui soit un reflet réel du monnayage romain. Plus une série de cartes

postales qu’une collection numismatique au sens où va l’entendre un royaliste ou un moderne.

Les ouvrages modernes de référence, anglo-saxons, sont bien plus ouverts et ne dirigent pas l’utilisateur sur une piste ou

sur une autre.

Il faut attendre le dernier quart du XX

e

siècle pour qu’une série de chercheurs s’affranchissent enfin de cet esclavage doré

et s’attellent à des études de fonds, digne des grandes écoles anglo-saxonnes ou germaniques. Nous ne pouvons que louer

le travail entrepris par le Cabinet des médailles de la BnF qui publie son fonds, en particulier avec l’apport du travail de

Sylviane Estiot sur le III

e

siècle. Mais combien faudra-t-il attendre de temps avant de couvrir de manière scientifique

l’ensemble de l’empire ?

Depuis maintenant douze ans, avec nos modestes moyens, d’abord avec l’aide de Jérôme Mairat, puis seuls maintenant,

nous avons entrepris avec la série ROME de montrer une autre voie avec nos catalogues thématiques qui permettent aux

collectionneurs de découvrir le monnayage d’une manière différente.

ROME XIX

avec Julien constitue peut-être un abou-

tissement ou le début d’une nouvelle façon d’entrevoir la manière de collectionner.

Ne cherchez pas la diversité typologique dans le thème consacré à Julien dans

ROME XIX

. La diversité est ailleurs dans

l’étude des différents ateliers, des différentes émissions, des différentes iconographies. Qui aura le sens du détail et du style

pour regarder attentivement chacune des 83 doubles maiorina avec leur droit, parfois caractéristique ou au contraire

bizarre ? Qui aura la subtilité de regarder avec un autre œil les 113 nummi qui semblent identiques et homogènes, mais qui

en réalité, quand on prend la peine de les examiner, découvriront par exemple des barbes différentes, une expression saisie

par un graveur particulier qui fait que ce nummi n’a pas d’égal ? Le souhait que nous formulons est que

ROME XIX

donne

à un « Julien » l’envie de collectionner celui dont il porte le prénom ou qu’un collectionneur blasé se dise qu’il tient là

un filon et qu’il va s’atteler à découvrir et à faire découvrir cet empereur. Un catalogue

ROME

n’est pas une fin en soi, c’est

une porte. À vous de l’ouvrir, de découvrir, voire de faire à votre tour découvrir ce qui se trouve derrière.

Le monnayage de bronze créé par Julien en 362 est complètement nouveau et renouvelle l’iconographie du IVe siècle,

plutôt figée et hiératique. C’est tout d’abord un bouleversement iconographique avec l’apparition du buste barbu de

l’empereur. La pilosité avait disparu du monnayage romain avec la fin de la Tétrarchie et Constantin, en institutionnalisant

le Dominat, l’avait prohibée définitivement des images monétaires. Une timide réapparition s’est profilée avec Vétranion

entre mars et décembre 350. Julien II rompt complètement avec l’iconographie traditionnelle en se faisant représenter avec

la barbe des philosophes. Mais cette nouvelle iconographie est-elle si révolutionnaire ?

Il faut répondre par la négative. En dehors de la barbe, même sur le nouveau grand bronze que nous appelons double

maiorina, l’empereur conserve le diadème perlé, le paludamentum (drapé) du général victorieux et la cuirasse avec les

ptéryges seules visibles sous le paludamentum. Julien, sur ce type de pièce, est toujours représenté à droite, vu de trois

quarts en avant. Sur un exemplaire de l’atelier d’Antioche (RIC 217), le diadème de l’empereur est composite. Pour le

nummus que nous appelons maiorina, là aussi, la représentation, hors le buste barbu, n’est pas nouvelle. L’empereur est